Analyse de l'oeuvre

05/02/2012 18:39

 

 

 
 « Vous qui vivez en toute quiétude
Bien au chaud dans vos maisons 
      
Vous qui trouvez le soir en rentrant 
      
La table mise et des visages amis 
      
Considérez si c'est un homme 
       
Que celui qui peine dans la boue, 
       
Qui ne connait pas de repos, 
       
Qui se bat pour un quignon de pain, 
       
Qui meurt pour un oui pour un non. 
       
Considérez si c'est une femme 
       
Que celle qui a perdu son nom et ses cheveux 
       
Et jusqu'à la force de se souvenir, 
       
Les yeux vides et le sein froid 
       
Comme une grenouille en hiver. 
       
N'oubliez pas que cela fut, 
       
Non, ne l'oubliez pas: 
       
Gravez ces mots dans votre coeur. 
       
Pensez-y chez vous, dans la rue, 
       
En vous couchant, en vous levant; 
       
Répétez-les à vos enfants. 
       
Ou que votre maison s'écroule; 
       
Que la maladie vous accable, 
      
Que vos enfants se détournent de vous. »
(page 10)
Ce poème sert d'introduction au livre de Levi, il résume bien la déshumanisation omniprésente dans son oeuvre et révèle ainsi la vérité et l'horreur vécut par les déportés au sein des camps de concentrations.
 

 

"...car désormais c'est fini, nous nous sentons hors du monde : il ne nous reste plus qu'à obéir". (page 28)

Ici le terme "obéir" nous montre l'esclavage que les déportés ont subit par les allemands. Les déportés connaissant une aliénation totale de leur libertés puisqu'il n'agissent plus que pour les nazis mais jamais selon leur propre volonté.

 
"Quatre hommes armés de rasoirs, de blaireaux et de tondeuses font irruption dans la pièce (...) et en un tournemain nous voilà rasé et tondus". (page 28)
Le faits de les rasés pour qu'ils se ressemblent tous montre la déshumanisation des déportés, il y a une forte perte d'identité après cela.      

 
"...chacun est resté dans son coin, sans oser lever les yeux sur les autres. Il n'y a pas de miroir, mais notre image est devant nous, reflétée par cent visages livides, cent pantins misérables et sordides. Nous voici transformé en ces mêmes fantômes entrevus hier au soir". (page 33)
Ici Levi, insite sur la souffrance que les déportés ont ressentis après leur perte d'identité et une fois de plus la déshumanisation subit par ces derniers.

 
"Alors, pour la première fois, nous nous apercevons que notre langue manque de mots pour exprimer cette insulte : la démolition d'un homme. En un instant, dans une intuition quasi prophétique, la réalité nous apparaît : nous avons touché le fond. Il est impossible d'aller plus bas : il n'existe pas, il n'est pas possible de concevoir condition humaine plus misérable que la notre. Plus rien ne nous appartient : ils nous ont pris nos vêtement, nos chaussures, et même nos cheveux ; si nous parlons, ils ne nous écouteront pas". (page 34)
Ce passage, par le biais du terme "la démolition d'un homme" ainsi que l'accumulation "nos vêtements, nos chaussures et mêmes nos cheveux" montre encore une fois une totale déshumanisation des déportés au sein des camps.
 
 
"Qu'on imagine maintenant un homme privé non seulement des êtres qu'il aime, mais de sa maison, de ses habitudes, de ses vêtements, de tout enfin, littéralement de tout ce qu'il possède : ce sera un homme vide, réduit à la souffrance et au besoin, dénué de tout discernement, oublieux de toute dignité : car il n'est pas rare, quand on a tout perdu, de se perdre soi-même ; ce sera un homme dont on pourra décider de la vie ou de la mort le coeur léger, sans aucune considération d'ordre humain, si ce n'est, tout au plus, le critère d'utilité. On comprendra alors le double sens du terme "camp d'extermination" et ce que nous entendons par l'expression "toucher le fond"". (page 35)
Ici Levi insiste une fois de plus sur la déshumanisation en énonçant tout ce dont les déportés sont privés et ce qu'ils sont alors : "un homme vide" ou encore "sans aucune considération d'ordre humain".                                                                                                                                                        Ce passage met aussi l'accent sur la perte d'espoir des déportés avec les termes "tout perdu", "se perdre soi-même". De plus l'expression 'toucher le fond", qui est par ailleurs le titre de ce chapitre, nous montre bien que les déportés ne savent plus comment se sortir de ces camps et donc qu'ils ont totalement perdu l'espoir.

 

"Il nous a fallu bien des jours et bon nombre de gifles et de coups de poing pour nous habituer à montrer rapidement notre numéro afin de ne pas ralentir les opérations de distribution des vivres" (page 35)

Ici, nous pouvons voir que la violence est un des moyens mis en place par les allemands pour aliéner les libertés des déportés. Nous pouvons constater que c'est un des facteurs participant à la déshumanisation des ces derniers puisqu'ils sont dans l'impossibilité de se révolter.

 

"Et justement, poussé par la soif, j'avise un beau glaçon sur l'appui extérieur d'une fenêtre. J'ouvre, et je n'ai pas plus tôt détaché le glaçon, qu'un grand et gros gaillard qui faisait les cents pas dehors vient à moi et me l'arrache brutalement. "Warum ?" dis-je dans mon allement hésitant. "Hier ist kein warum" (ici il n'y a pas de pourquoi)." (page 38)
Levi nous montre ici, le fait que les déportés n'ont aucune communication avec les Allemands, ni d'explication de la part de ces derniers. De plus, ce passage insiste sur le fait que les déportés n'ont aucun droit au sein du camp. Ici, ils sont assoiffés et nous pouvons voir que Levi représente dans ce passage l'aliénation de la liberté d'expression des déportés.Par ailleurs, Levi nous montres quelques lignes plus tard le fait que les déportés n'ont aucun droit au sein du camp grâce à l'explication donnée par les allemands : "En ce lieu, tout est interdit." 

 

"Nous connaissons déjà en grande partie le règlement compliqué; les interdictions sont innombrables : interdiction de s'approcher à plus de deux mètres des barbelés; de dormir avec sa veste, ou sans caleçons, ou le calot sur la tête; d'entrer dans les lavabos ou les latrines "nur für Kapos" ou "nur für Reichsdeutsche"; de ne pas aller à la douche les jours prescrits, et d'y aller les jours qui ne le sont pas ; sortir de la baraque la veste déboutonnée ou le col relevé; de mettre du papier ou de la paille sous ses habits pour se défendre du froid; de se laver autrement que torse nu" (page 46)

A travers ce paragraphe Levi nous montre que les allemands interdisent tout aux déportés, et surtout des choses insignifiantes qui n'ont aucun lien avec leur travail au camp ou quoi que ce soit de genre, cependant aliéner chacune de leur libertés entraîne directement la déshumanisation de ces derniers.

 

"Sa voix, son regard donnent l'impression d'un grand vide intérieur, comme s'il n'était plus qu'une simple enveloppe, semblable à ces dépouilles d'insectes qu'on trouve au bord des étangs, rattachés aux pierres par un fil, et que le vent agite." (page 60)

Cette phrase de Levi nous révèle totalement la déshumanisation des déportés, en comparant un de ces compagnons de travail à un objet, à une chose inerte. Il arrive très bien à nous faire ressentir le vide sur le visage de cet homme.

 

"Il me rappelle les chiens de traîneaux des livres de Jack London, qui peinent jusqu'au dernier souffle et meurent sur la piste" (page 61)

Levi compare une fois de plus ce même compagnon de travail à un animal, mais plus particulièrement à un animal fort mais mourant. Cette métaphore des chiens de traîneaux révèle la déshumanisation des déportés mais nous révèle aussi un des moyens mis en place pour arriver à cette destruction de l'homme : le travail jusqu'à épuisement. 

 

"Arrive le Kapo qui distribue coups de pied, coup de poings et jurons , dispersant les hommes comme paille au vent" (page 64)

Ici, on voit que la violence est encore une fois un moyen que les allemands utilisent pour détruire le caractère humain des déportés, de plus la comparaison de ces derniers à de la paille insiste encore sur la déshumanisation des victimes puisqu'il les compare une fois de plus à quelque chose qui n'est absolument pas vivant.

 

"Ainsi, se traînent nos nuits. Le rêve de Tantale et le rêve du récit s’insèrent dans une trame d’images plus indistinctes : les souffrances de la journée où entrent la faim, les coups, le froid, la fatigue, la peur et la promiscuité, se muent la nuit en cauchemars informes, d’une violence inouïe, comme on n’en peut faire dans la vie courante, que pendant une nuit de fièvre. Nous nous éveillons à tout moment, glacés de terreur, encore sous le coup d’un ordre, crié par une voix haineuse, et dans une langue que nous ne comprenons pas." (page 93)
Ici, c'est la liberté de penser des déportés qui est aliéner, en effet, les allemands sont présents jusque dans leur rêve. Ils occupent sans cesse les pensées des déportés et de ne leur laissent aucun moment de répit.

 

"Je me mords profondément les lèvres : nous savons tous, ici, qu'une petite douleur provoquée volontairement réussit à stimuler nos dernières réserves d'énergie. Les Kapos aussi le savent : il y a ceux qui nous frappent par pure bestialité, mais il en est d'autres, qui lorsque nous sommes chargés, le font avec une nuance de sollicitude, accompagnant leurs coups d'exhortations et d'encouragements, comme font les charretiers avec leur braves petits chevaux." (page 101)

Ce passage nous montre tout d'abord la violence que les déportés subissent par les allemands durant leur travail au sein des camps qui entraîne leur destruction. De plus le champ lexical animal avec les termes "bestialité", "charretiers", "chevaux" nous montrent aussi déshumanisation des déportés réduit au caractère animal.

 

"Oh, pouvoir pleurer ! Oh, pouvoir affronter le vent comme nous le faisions autrefois, d'égal à égal, et non pas comme ici, comme des vers sans âmes !" (page 106)

A travers la comparaison des vers et des âmes, Levi insiste sur la déshumanisation, ainsi que sur le caractère inerte des déportés.

 

"La Buna (...) Ses rues et ses bâtiments portent comme nous des numéros ou des lettres, ou des noms inhumains et sinistres." (page 109) 

Une fois de plus, Levi utilise une comparaison pour évoquer la situation des déportés qui est bien évidemment la déshumanisation totale de ces derniers.

 

"Rien n'y vit en dehors des machines et des esclaves, et les esclaves moins encore que les machines." (page 109) 

Ici Levi nous parle encore de la Buna, il assimile les déportés à des esclaves ayant perdu tout caractère humain. De plus il compare ces esclaves aux machines utilisées dans les camps qu'il qualifie de plus vivantes que les déportés. Cette phrase est forte, elle donne aussi bien une image de ce que les déportés représentaient ainsi que comment ils étaient : inertes. La déshumanisation des déportés ressort particulièrement bien ici. 

 

"Notre façon de manger , debout, goulûment, en nous brûlant la bouche et la gorge, sans prendre le temps de respirer, c'est bien celle des animaux" (page 115)

Levi insite tout particulière sur le fait qu'ils sont devenus de vrais animaux dans leurs actions de tous les jours se qui renforce l'idée de déshumanisation

 
"Celui qui tue est un homme, celui qui commet ou subit une injustice est un homme. Mais celui qui se laisse aller au point de partager son lit avec un cadavre, celui-là n'est pas un homme. Celui qui a attendu que son voisin finisse de mourir pour lui prendre un quart de pain, est, même s'il n'est pas fautif, plus éloigné du modèle de l'homme pensant que le plus fruste des Pygmées et le plus abominable des sadiques." (page 185)
Ici Levi insite sur un des moyens mis en place pour aliéner les libertés des déportés : l'affamement qui amène ainsi à la déshumanisation des déportés.
 
 

"Abandonner toute dignité, étouffer toute leur de conscience, se jeter dans la mêlée comme une brute contre d'autres brutes" (page 142)

Ici, l'auteur nous montre ce que subissent les déportés : la perte de soi-même, qui entraîne la déshumanisation et la perte de toute conscience morale.

 

"Il a perdu l'habitude de penser à lui-même autrement que comme à un sac qui doit régulièrement être rempli" (page 143) 

En parlant de cette homme et en utilisant une comparaison mettant en relation un homme et l'image d'un sac qu'il faut remplir insiste totalement sur la déshumanisation; il le compare à un objet. 

 

"On n'a pas le droit de parler" (page 157)

Levi parle de ce que les déportés ne doivent pas faire lorsqu'ils passent devant le poste des SS, on voit ainsi que l'aliénation de leur liberté d'expression est un des moyens mis en place par les nazis pour déshumaniser les juifs.

 

"Le temps était fini où les jours se succédaient vifs, précieux, uniques : l'avenir se dressait devant nous, gris et sans contours, comme une invincible barrière. Pour nous, l'histoire s'était arrêtée." (page 182)

Ici nous pouvons constater une perte d'espoir totale de la part des déportés.

 

"(...) l'inertie obtuse des bêtes battues qui ne réagissent plus aux coups" (page 184)

Levi assimile encore une fois les déportés à des animaux, et de façon plus péjorative : des bêtes et en mettant ici en relation la violence qu'ils subissent. Ce passage insiste bien sur la déshumanisation des prisonniers. 

 

"Ils nous voient ignoblement asservis, sans cheveux, sans honneur et sans nom, chaque jour battus, chaque jour plus abjects, et jamais ils ne voient dans nos yeux le moindre signe de rébellion, ou de paix, ou de foi. (...) Qui pourrait distinguer nos visages les uns des autres ? Pour eux nous sommes "Kazett", neutre singulier." (page 188)

Ce passage met l'accent sur la perte d'identité des prisonniers, ainsi que sur la violence des nazis envers les déportés et enfin et comme toujours, sur la déshumanisation de ces derniers qui ne réagissent plus aux actions des allemands contre eux.

 

"Nous sommes entrés dans le Laboratoire, timides, désorientés et sur la défensive comme trois bêtes sauvages qui s'aventureraient dans la grande ville" (page 217)

Levi se compare, une fois de plus, lui et ses compagnons à des bêtes entraînant la déshumanisation de ces derniers.

 

"Devant les filles du laboratoire, nous nous sentons tous trois mourir de honte et de gêne. Nous savons à quoi nous ressemblons : nous nous voyons l'un l'autre, et ils nous arrive parfois de nous servir d'une vitre comme miroir. Nous sommes ridicules et répugnants. Notre crâne est complètement chauve le lundi, et couvert d'une courte mousse brunâtre le samedi. (...) Nous sommes pleins de puces et souvent nous nous grattons sans retenue; nous sommes obligés de demander à aller aux latrines avec une fréquence humiliante. (...) Quant à notre deur, nous y sommes désormais habitués, mais les filles non, et elles ne perdent pas une occasion de nous le faire comprendre" (page 221 et 222)

Ce passage nous montre l'impact du regard des femmes sur les prisonniers qui entraîne l'humiliation importante de ces derniers.

 

"il ne me reste plus aujourd'hui que la force d'endurer la faim et le froid; je ne suis plus assez vivant pour être capable de me supprimer...."(page 224)
Levi nous montre ici que les allemands ont mis en place des moyens tels que l'affamement et en un sens plus large, de très mauvaise conditions de vie. C'est notamment ce qui entraîne la perte d'espoir des déportés, on voit qu'ils n'ont réellement plus aucune envie, même celle de mourir. Ils deviennent dès lors, de réels esclaves.

 

"Détruire un homme est difficile, presque autant que le créer : cela n'a été ni aisé ni rapide, mais vous y êtes arrivés, Allemands. Nous voici dociles devant vous, vous n'avez plus rien à craindre de nous : ni les actes de révolte, ni les paroles de défi, ni même un regard qui vous juge." (page 233) 

Ces deux phrases nous montre la souffrance que Levi ressent, sa sensation d'être un homme brisé, incapable de révolter

 

"La dernière trace de civilisation avait disparu autour de nous et en nous. L'oeuvre entreprise par les Allemands triomphants avait été portée par les Allemands vaincus : ils avaient bel et bien fait de nous des bêtes. Celui qui tue est un homme, celui qui commet ou subit une injustice est un homme. Mais celui qui se laisse aller au point de partager son lit avec un cadavre, celui-là n'est pas un homme. Celui qui a attendu que son voisin finisse de mourir pour lui prendre un quart de pain, est, même s'il n'est pas fautif, plus éloigné du modèle de l'homme pensant que le plus fruste des Pygmées et le plus abominables des sadiques." (page 269)

Ici Levi explique selon lui comment il est possible de qualifier quelqu'un d'homme ou de bête à la suite des camps. "Si c'est un homme", c'est-à-dire celui qui a survécut aux camps de concentration est un homme, donc les Allemands n'ont pas réussi à mener leur combat à terme. Cependant, si les hommes sont des bêtes alors les nazis ont gagnés.